Walton Ford : c'est Géant ! Prolongation jusqu'au 28 février...

Devinez combien ça mesure... dans les un mètre cinquante par trois ! et c'est de l'aquarelle... de la minutie grand format ! 

Près de vingt oeuvres de cet accabit étaient accrochées à Paris.

Mais qui est Walton Ford ? Un Artiste (j'ai mis un grand A) ! 

- Peintre naturaliste, animalier (mais sauvages plutôt les bêtes), digne d'un Audubon et des illustrateurs des ouvrages de Charles d'Orbigny ou de Buffon ; il dit lui-même que l'aquarelle sur papier a été le langage traditionnel de l'histoire naturelle du XV ème au XIX ème siècle. 

- questionneur de notre civilisation de son passé à son devenir ; 

- américain au talent reconnu et couru des collectionneurs et des musées du Nouveau Monde. 

Mais il fallait le Musée de la Chasse et de la Nature pour susciter et célébrer sa première exposition en France, après l'Allemagne et l'Autriche de ce côté de l'Atlantique. (http://www.paulkasmingallery.com/artists/walton-ford). 

On y retrouvre un bestiaire littéraire et culturel, comme ci-dessus le Rhinocéros de Dürer, parfois oublié aussi comme le chimpanzée de A Monster from Guiny (voir le dossier de presse du Musée à télécharger sur http://www.chassenature.org/walton-ford-du-15-septembre-2015-au-14-fevrier-2016/ ) ou inattendu et bienvenu (pour les amateurs de 'Pataphysique) tel le fameux Bosse-de-nage de Jarry. On y surprend aussi des détails dont la beauté bouleverse : regardez le reflet dans les bulles de The Tigress ou le rendu des tissus dans The Graf Zeppelin... 

Au delà, j'y ai vu une interrogation sur la captivité, une interrogation sur l'"humanité" du sort réservé aux animaux sauvages, sur la destruction de la nature par l'homme... 

Comment qualifier cet artiste ? Comment comprendre ce qui interpelle dans son oeuvre ? Peut-être en citant un passage de l'édito publié pour l'exposition de Paris : " N'est-ce pas la condition même de l'artiste de demeurer une sorte d'animal sauvage refusant la domestication pour vivre hors des sentiers battus et créer son propre monde ? " 

Walton Ford qui se dédiait à l'art dramatique et à la scénographie dit qu'après avoir découvert les fresques de Giotto à Rome et être retourné aux Etats-Unis et obtenir son diplôme de fin d'études à la Rhode Island School of Design, il voulait "raconter des histoires... dans le style du début de la Renaissance" à une époque où " il était beaucoup question de la fin de la figuration" ( nous sommes dans les années 80, à New-York). Quoi qu'il en soit, il choisit de peindre des animaux, et essentiellement des animaux sauvages ou dangereux, de ceux qui font résonner au plus profond de l'homme les peurs ancestales. Le peintre déclare puiser son inspiration dans la littérature et les oeuvres du passé, mais son questionnement est actuel. Et combiné aux angles de vue qu'il choisit ( héritage de sa formation aux arts du cinéma) et aux décalages, voire anachronismes, contextuels qu'il instille dans ses peintures, cela crée un style très particulier : le style Walton Ford. 

En 2010 Jérôme Neutres, commissaire de l'exposition (avec Claude d'Anthenaise, conservateur en chef du Musée de la Chasse et de la Nature), fait découvrir à son ami Walton Ford qui séjourne à Paris le Musée de la Chasse ; ce dernier est séduit d'emblée. 

De là nait l'idée de ne pas seulement exposer une rétrospective de l'oeuvre du peintre dans les salles d'exposition temporaires, mais de créer spécialement et d'intégrer dans les salles permanentes une dizaine de peintures sur la "bête" du Gévaudan, thème qu'investigue et approfondit l'artiste aux Archives Nationales. Il faudra deux ans pour les réaliser. Le résultat est magistral ! 

Reste à remercier le Musée de la Chasse et de la Nature qui réussit si bien l'adéquation d'artistes contemporains à ses collections pluriséculaires, ainsi que ses deux commissaires d'exposition, et à les féliciter de prolonger jusqu'au 28 février ce moment magique.